Suite et fin

Phare du cap Fréhel au pied duquel est situé le premier ravitaillement au kilomètre 7 et que je passe après environ 40min de course sous les yeux de mes supportrices (merci les filles !). L’allure est bonne, ça va pour l’instant. Il en sera ainsi jusqu’au 2eme ravito que je passe en 1h40. Mais déjà le sable mou des premières plages m’a fait puiser dans mes réserves, je le sens déjà.

IMGP3261

Sur la plage des Sables d’Or, je passe le panneau 15km restants en m’écriant yesss ! Mais l’allure a ralenti malgré moi. Quelques décharges aux mollets m’ont fait comprendre que le plus dur allait arriver. Puis c’est le tour des muscles de la cuisse, (Oui, Mike, juste au dessus du genou) qui commencent à se raidir. Ca y’est, ça recommence comme mes 2 derniers 20 bornes. Ca bloque, ça ne crampe pas mais ça se raidit. Je ne peux lutter et les quelques étirements n’y changeront rien. Seb m’a depuis longtemps dépassé. Il a dû trouver un nouveau genou en cours de route car il m’a déjà doublé peu après le 2eme ravito.

Me voilà seul avec mes douleurs. La colonne s’est déjà depuis longtemps effilée et autour de moi, c’est un peu le bal des éclopés. Ca boite, ça crampe, ça vomit même pour certains. Et pour le rien arranger, le ciel s’est assombri et la pluie arrive, suivit de peu par de la grêle. Youpi, un vrai trail breton, les organisateurs ne reculent devant rien. Dans ce malheur, j’ai un peu de chance car cette grêle arrive juste au moment ou je passe dans un chemin creux bien protégé par les arbres. Ca ne m’empêchera pas d’être trempé mais au moins, la grêle ne m’aura pas fait mal. Par contre en haut de ce chemin, le vent très fort me rappellera bien que je suis mouillé de la tête aux pieds. La cadence a fortement ralentie désormais J’arrive à tenir une marche rapide dans les montées mais les descentes sont pour moi des occasions de souffrance.

Je rejoins petit à petit une concurrente appelée Isabelle avec laquelle je vais finir la course. On va se soutenir mutuellement, c’est ça le trail, c’est cet esprit qui me fait avancer. Elle souffre comme moi, nous sommes des compagnons de galère. A ce propos, bravo aux organisateurs d’avoir mis notre prénom sur les dossards. Tout au long du parcours les spectateurs jouent le jeu et des hourras ou bravos suivit de notre prénom, ça fait chaud au cœur, nous pique d’une belle décharge d’adrénaline (et surement de fierté aussi) et nous rebooste pour quelques centaines de mètres.

Nous passerons le panneau 10km aux alentours des 3h00 ce qui pour l’instant, pour ma part reste honorable et sensiblement dans mon temps fixé. Mais la cadence ralentira indéniablement, sans s’en rendre compte. Nous passerons l’avant dernier ravitaillement ou l’on voit bien que nous sommes les derniers. Il doit bien y avoir une quinzaine de bénévoles pour un coureur de temps en temps, au compte goutte. Alors forcément, ils sont aux petits soins avec nous. Merci aux bénévoles ! Je ne peux m’empêcher de penser à la pub ou on voit arriver un coureur à un ravito et ou il peut choisir son cocktail ! Il se passe des choses bizarres dans la tête quand on est à bout.

 Viens désormais le temps du cap Erquy et je le sais pour avoir fait déjà le 14km deux fois que cette partie est dure. Marches, montées, chemins très rocailleux, plages, … Effectivement c’est dur. Heureusement que les paysages sont magnifiques, ils effacent un peu les douleurs des jambes. J’ai une furieuse envie d’avancer mais le corps ne suit plus hélas. Je crois que pourtant, je n’ai jamais eu autant la niak sur un trail, peut être dû à mon entrainement plus soutenu pour le préparer. On dit souvent que quand la tête veux, le reste suis, ce n’est pas le cas pour moi aujourd’hui.

La fin du parcours s’amorce différemment des autres années et au final pour mon plus grand plaisir. Au revoir la boucle interminable au dernier ravitaillement et bonjour le passage dans la carrière dominant le port d’Erquy. C’est magnifique. Ca me rappelle un peu le trail D’ollioules ! Manque l’odeur du thym et le chant des cigales. On entend le speaker s’égosiller dans le micro plus bas. On sent la fin proche et avec Isabelle, on se rassure, ça y’est ! C’est (presque) fini ! Sauf qu’un gentil monsieur nous annonce « Arrivée dans 3.3km » ! Arghh ! Luttons alors, ça fait déjà des kilomètres qu’on lutte, on peu tenir ces derniers misérables mètres.

Je suis étonné car proche de l’arrivée, nous doublons quand même quelques coureurs dont les profils sont pourtant plus affutés que moi. Puis au loin, le t-shirt orange de Gilou. Il reste 1,5km et il m’encourage et me sert de lièvre. Ca fait chaud au cœur ! Je résiste, je gère la toute petite dernière montée juste après la flamme rouge et surtout gère la descente de la mort qui suit. Puis plus loin c’est Sylvain qui est là. Ah des visages connus ! Je l’entends au téléphone, il prévient les autres « Arno arrive ! ». Ils sont resté là les copains, ils m’ont attendu (et c’est pas parce que c’est moi qui ai les clés du bungalow et la bière dans mon frigo ! nan nan !). En effet à 200m de l’arrivée, une haie d’honneur couleur vert pomme me fait la hola. Warf ! Là c’est trop, fatigue aidant, les larmes arrivent. Les petits fous et Estelle courent à coté de moi pour le finish.

Arno 0154

Grand moment d’émotion. Je suis allé au bout. Le temps de souffler un peu et je vois Isabelle arriver, elle pleure aussi et je lui tape dans la main. Elle aussi est allée au bout.

Arno 0176

Au final, 4h27, j’ai craqué dans les 10 derniers km parcourus en plus d’une heure vingt. Je me rassure en me disant que c’est normal, c’est le premier.

Merci les fous pour le soutien, merci aux organisateurs et aux bénévoles, merci aux spectateurs encourageant des inconnus par leur prénom. Pendant les 2 nuits suivantes, cette course hantera chaleureusement mes rêves. Avec Estelle et mes 2 petits fous, je laisserais le rêve continuer en parcourant avec eux tout le début (Cap Fréhel – Fort La Latte) et toute la fin (Cap Erquy) du parcours, en randonnée, tranquillement, la semaine suivante.

Première course dépassant les 30km, première course avec plus de 4h00 sur un circuit. Malgré les douleurs, rien n’a égratigné mon envie. Une petite pause pour récupérer et c’est reparti, trop envie de continuer. On aura beau dire mais cet esprit là, y’a rien de mieux : de superbes paysages, un dépassement de soi, de supers moments partagés avec ceux qu’on aime, je vous le demande, quoi de mieux ?

Retour à l'accueil